20.06.2016 • Le Parisien (Франция)

ElenaPress

«J’ose enfin dire que je suis fière»

A bientôt 50 ans, la petite provinciale de l’Est se fait confiance. C’est un bel album qui s’annonce : Patricia Kaas nous en offre un titre en exclusivité.

Patricia Kaas hésite à appeler son prochain album, qui sortira en novembre, « La langue que je parle ». Qu’elle n’hésite plus ! C’est la première claque des sept chansons qu’elle nous a fait écouter vendredi aux Studios Saint-Germain (Paris VIe) et elle résume parfaitement la fibre intime et engagée du disque. « La langue que je parle n’est pas celle que je chante. Elle est moins musicale, elle est bien plus violente […]. Elle raconte la mine, où deux terres se rejoignent. Peut-être entre les lignes, l’enfance qui s’éloigne.»

Patricia Kaas n’a pas enregistré de chansons inédites depuis l’album « Sexe fort ». Depuis treize ans, elle s’est lancée dans deux spectacles au long cours, « Cabaret », en hommage aux femmes des années 1930, et « Piaf », pour les cinquante ans de sa disparition, qu’elle a présenté 150 fois dans le monde. « J’avais fait le choix de produire mes précédents disques et spectacles, pour être libre, rappelle-t-elle. J’ai appris à danser, à faire un peu de théâtre… Mais cela fait du bien de resigner avec une maison de disques (NDLR : Warner), de revenir à moi, à l’interprétation, à plus de légèreté. »

Légèreté, façon de parler… La première partie enregistrée de l’album est grave : « le Jour et l’Heure », son premier single dévoilé aujourd’hui, évoque la perte et, en filigrane, les attentats parisiens, « Cogne », écrite par Rose, parle de violence conjugale, « la Maison en bord de mer » bouleverse sur le thème si délicat de l’inceste, « Ma tristesse » évoque sa propre mélancolie, « Sans nous », écrite par Ben Mazué, une rupture…

« Voilà ce que j’inspire aux auteurs, sourit la chanteuse. Mais je n’ai pas hésité une seconde à les chanter. Ces sujets ne sont pas tous autobiographiques, mais ils me touchent. Il y a quelques années, en Ukraine, j’avais participé à une campagne contre les violences faites aux femmes. Je ne veux pas me mettre d’interdit. Seule compte l’émotion quand j’écoute une chanson, la mienne ou une autre. J’arrive à un âge où les textes sont de plus en plus importants et où je peux chanter ce que je ressens. »

Cet album de « variété française » est réalisé par un Anglais, Jonathan Quarmby, à qui l’on doit notamment la production de l’excellent premier album de Benjamin Clementine. Patricia Kaas l’a commencé en mars, elle le finira en juillet. Jolie coïncidence : il sortira pour ses 50 ans et ses trente ans de carrière.

Trente ans qu’un certain Gérard Depardieu finançait son premier 45 tours, « Jalouse ». « A mon arrivée à Paris, on m’avait bien fait ressentir que je venais d’un bled et que j’avais un accent, se souvient-elle. Mais la petite-fille de mineurs de Forbach est aujourd’hui étudiée dans des écoles en Allemagne, en Russie. C’est quand même une fierté. »

Elle se lancera en 2017 dans une tournée des Zénith qui démarrera à la salle Pleyel, du 26 au 28 janvier, et voyagera dans une quarantaine de pays, où elle est une star. « Je suis la première chanteuse française signée par Live Nation (NDLR : le plus grand organisateur de concerts), précise-t-elle. Et moi la timide, l’humble, j’ose enfin dire que j’en suis fière. Ce qui a changé chez moi, c’est peut-être cela. Ces deux dernières années, je ne savais pas trop où j’en étais de ma vie. J’étais un peu épuisée, cela a explosé et cela m’a ouvert les yeux. Maintenant, quand je me regarde dans la glace, je me vois. »

Éric Bureau

Источник:
Le Parisien